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    Les réfugiés

    Notre-Dame des Réfugiés. La Pointe du Raz

    Les réfugiés

     

     La fin du jour. L’été bande les trébuchets,

    Erige des châteaux, creuse des galeries,

     Etouffe les propos - vaines bavarderies,

     Rires éternuant sur des voix de faussets-.

     Dolents, les corps rougis étalent leur mollesse,

     Transpirent leur ennui, sans éclat ni tendresse.

     

     Venu on ne sait d’où, sans bruit, s’immobilise

     Un funambule esquif entre deux bancs de sable.

     A bout de souffle, à bout de vie, au port s’enlise.

     Les flots ont charrié les noms imprononçables

     Venus d’un autre monde où la vie supplicie

     De mourir indigent ou que l’on disgracie.

     

     Mer, tu as ravagé ces passagers si frêles.

     Leurs pupilles sans tain n’accrochent plus le ciel.

     Savent-ils seulement qu’ils sont encor vivants,

    Rescapés des récifs, de la faim, des truands ?

     La chaleur de juillet écrase cette épave

     Que des galets burinés au soleil engrave.

     

    Est-ce la houle qui, en saccades la berce 

     Quand ses flancs gémissants cèdent aux ventrières ?

     De vagues sons plaintifs que la vague disperse 

     Tandis qu’un cri sortit du ventre d’une mère

     Expulsera l’enfant sur un nouveau rivage,

     Etranger englouti au creux d’un coquillage

     

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  • Les morts ont faim

    Marie Laurencin

    Les morts ont faim

    Tu as marié un autre et ce jour-là,
    Mon cœur est mort sur le parvis.
    Depuis j’ai bu la tristesse du monde,
    Essuyé les gros temps
    Et les visages de la malchance.
    Plus tard, j’ai vu ta robe pastel se noircir de deuil.
    Alors ta mémoire a blanchi.

    Tu as lavé tes yeux dans l’eau claire
    Et tu parles tout bas en émiettant ton pain
    Tu sais que les morts ont faim
    Aussi tu prends la route qui grimpe au cimetière.

    Enfin te voilà avant que la terre se referme.
    Te voilà devant moi
    Délestée de ton regard fier et de ton front obtus.
    Tu portes ta main à ta bouche,
    Ta bouche tant farouche.
    Tes doigts liserons se dénouent
    Et tu poses un baiser sur le bois de ma couche


    Enfin, enfin, je souris à la vie
    La vie qui s’en est allée pour une nuit immense,
    Une vie sans sommeil.

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  • Magritte- La bouteille peinte

     

    Je vois ces estropiés
    Assis au fond du zinc
    Avec leurs gueules cassées
    La narine en meringue
    Chicotant l’amertume
    D’une noire piquette,
    Engloutissant l’écume
    De quelques croûtelettes
    Sentant la moleskine,
    La fesse à Proserpine.
    Leurs petits bras pendouillent
    Au bout de leurs moignons
    Qu’une mouche écrabouille
    Ainsi que leur trognon.
    Ils sont là, avachis
    Rotent en rigolant
    Au nez de quelques femmes
    Paumées dans ce gourbi
    Parfois leurs cataractes
    Pissent un jus rougeâtre.
    Au fond de leur barathre
    La raison se rétracte.
    Si parfois la lueur
    Semble éclairer leur front
    Ce ne sont que vapeurs
    En éjaculation..
    Oh ! Du monde pourtant,
    Ils sont sûrs et certains
    D’en avoir fait le tour,
    Tel l'ancien combattant
    Tirant des mannequins
    Comme unique bravoure.
    Ils bavent quelques guerres
    Qu’ils auraient voulu faire
    Puis comptent leurs débours
    Jusqu’à l’aube glaciaire.
    Dans un pot, des oeillets
    Pendent comm’ des oreilles
    Lasses de verjuter
    Le pipi des corneilles.

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