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Le colporteur
Le bourg se drapait dans un sommeil de caveau,
Tandis qu’un vent rugueux dans les prés, desséchait la rosée.
Poussée de l’hiver blanchissant la contrée.Quatre-vents musait avec saute-ruisseau.
C’est un ch’mineux, un gagne-rien
Un pieds-poudreux, un cherche-bien.Il vendait des savons, des couteaux, des bretelles
Des rubans, des boutons, des bobines de fil
Et pour quelque lichade il lâchait des dentelles
Et aussi des missels et des ainsi-soit-il.C’est un pouilleux, un traîne -savate
Un tire-la-queue, un boit-picrateSur le chemin un violoneux menait la noce vers l’église :
C’est pour la dot que l’épousée avait vendu
Ses longs cheveux à un' poupée qui s’emmarquiseDans le grand lit la paille a froid,
Les poux ont faim, les puces ont soif.Les noceurs jetaient des coques de noix
A la prospérité du jeune ménage !
Mais dans le ciel filait les ombres des nuages
Malgré les cloches pour dissiper les oragesDans le grand lit Odette choit
Antonin boit, les chiens aboient.Mais à quoi bon sonner les cloches
Elle tendit son front pour un baiser
Et lui sa chemise à faire des Chrétiens.Quatre-vents vendait du contre-coup,
Pour les baisers rudes et rares.
En attendant que les seins gonflent
Elle se frottait le ventre nu
au rocher des pousse-marmots.Chasseur de taupe ou loubotier
Ce traîne-fossés, ce né-furieux
Vendait aussi des gants d’amour ,
Des épingles et des passe-l’enfant.
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Venise- F. Aubry de Montdidier
Viens
Viens, je t’emmène voir
Les éclats de mon cœur
Car ils sont les miroirs
Des rêves ravisseurs
…Viens, je t’emmène entendre
Ma voix qui te susurre
Les mots pour désapprendre
Lâcheté, meurtrissures
…Je t’emmène goûter
Les ivresses fruitées
De nos peaux satinées
Sur des draps défroqués
…Je t’emmène sentir
Les parfums épicés
Elixir du désir
Suaves embaumées
…Toi, je t’emmène rire
Au bord de nos ébats
Où la raison chavire
Et ne s’arrête pas
…Nous, je nous emmènerai
Sur une blanche grève
Là où le virelai
Des amours ne s’achève
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Ventre repu n'a point d'oreille
Les ventres vides
S'agenouillent têtes baissées
Invisibles aux passants repusCrevasses aux mains
Mangent leurs ongles
Equarris sur les écorcesLeurs pieds nus
Chaussent la poussière
De salpêtre des masuresDes relents d'égouts
Habillent leurs corps
De parfums pestilentielsL'odeur se répand
Aux jardins résidentiels
Par-dessus les hauts mursJusqu'aux mouchoirs
Qui indifférents épongent
Le front des nonchaloirs..............................................................................................................................................
Merci à Papidompointcom pour ce poème de jeunesse intitulé:
De l'inutilité de la mendicité dans notre civilisation:
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Elsa
Filtre un pâle soleil entre les pins qui, tels
Des soldats portants, fiers, leurs bras en ombrelles
A l'armure moussue que le vent écartèle,
C'est aux Landes qu'Elsa cueille les chanterelles.On ne s'attarde pas sur les mauves bruyères
Où les rameaux de houx rougeoient dans la clairière.
Elsa, le dos courbé sur les ronds de sorcières
Défeuille habilement les souches des litières.Les doigts rouges et gourds, de terre, aussi de froid,
Soulèvent les jupons des girolles qui choient
Dans la vasque d'osier à l'anse qui tournoie.Doux parfum d’oranger où la chair se consume
S’effruite un instant sous les rayons de brume
Avant que le gourmand de leur lit les exhume.*
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Joseph Vernet. Entrée du port de Palerme
A marée basse
La lune en halo bleu tire des corbillons
Qui décoiffent les vagues et les vêt de haillons
Quand les braconniers ploient sous le poids des besaces
Aux panses de patrons arpentant les sargasses.Et la marée s'en vient, grelots de blancs moutons
à flancs de cale, alors, s'amarrent aux pontons
Les proues aux seins moussus qui lascives se couchent
Près des baguenaudiers qui point ne s'effarouchentA l'entour des rafiots les goélands criaillent
Attirés par l'odeur et la faim qui tenaillent
On décharge, on empile, on remplit des ballots
Qui viendront s'entasser au fond des caboulots.Leur goule apaiseront en jetant des rascasses
Tandis que les corbeaux fondront sur les carcasses.
La marée s'en ira déroulant ses rengaines.
Les hommes harassés dormiront sur leurs chaînes.
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f.Aubry de Montdidier
Goutte d’eau dans la mer
Dernière larme.
Elle roule
Dans l’âme de la vague.
Un scarabée
Se saoule du sel
Qui s’écoule de la goutte
Pressée.
Douloureux est le jour
Où la mousse s’émousse
Et la pierre est à nu.
Cœur asséché
Au soleil ardent
Creusant des fissures
Sur l’orbite
D’où les yeux
Sont absents,
Emportés par la vague
Creusée.
En flots impétueux
Les rouleaux de mer
Brassent la larme
Que les cieux ont rejetée
En étoile de mer
Au couchant de la terre
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Gustave Courbet Plage de Trouville
L'été pleure d'ennui
Or, l'hirondelle si ne fait pas le printemps,
De nos fils, en avril, elle tisse son nid,
Abritant sa nichée dont le coucou s'éprend
Qui laisse, jusqu'en mai, la couvée ébahie.Vole la sarabande autour des nuées noires,
Petits piafs pataugeant dans la rue dépeuplée
La fontaine y déborde en de larges baignoires.
L'été pleure d'ennui ventant à la bottée.Nous n'irons pas au bois, la saison est en deuil,
Déversant ses rancoeurs et ses humeurs maussades.
Nèfles et noires baies tombent en débandades
Et dans un creux moussu s’affaire l'écureuil.Ainsi qu'une saison morne fleurant l'automne,
Nos pas vont cheminant vers la froide saison,
Le bois humide et mort sur les chenêts ronchonne.
D'un doigt sur le carreau, je dessine un pinson.
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l
Au lavoir
La nuit s’achève
La pluie a lessivé les étoiles
Une à une elles s’égouttent
Sur les balançoires
Dans le squareC’est jour de deuil
Le ciel suspend de longs rubans noirs
Sous les charmes en ombrelles
Où les chiens errants
Vont mourantTu perds ton ombre
Le matin est tout pareil au soir
Attends l’instant où l’éclair
Argente la terre
TraversièreLe vent se lève
Balaie les araignées du bonsoir
Puis se couche sur le dos
Pour se poser
EssouffléA croupeton
Les langues au rythme du battoir
Ont des propos adultères
Les hontes fusent
Puis infusentSur la rivière
Des bulles de savon de Marseille
Clapotent sur les pontons
Lessivent les draps
des javas
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A ta santé !
- J’sus tant bin content, Arsule, de t’revouair ! J’ai bin cru qu’c’était fini nous deux. J’en avais l'foie tout berdancé.
- Moi, c’est pareil, Arsène, Vingts dieux ça m’manquait nos pichetées d’vin !
-On est toujours comme deux frères, pas vrai ? C’est qu’jen quervais de n’pu te r’vouair !
- Si on trinquait comme au bon vieux temps ?
- Ah ! Bin ça, c’est pas d’refus ! Voilà que j’me sens bin à c’t’heure.
A ta santé, l’ Arsène !
- Me parle pus d’santé, tu veux. Elle est ben mal nommée. C’est qu’elle m’a bouffé l’cœur et l’corps.
- C’est façon d’causer, tu sais bin.
- Dis, Arsule, tu m’en veux pus ?
- Bin non, tu vois bin, pisque j'chu là. On avait bu un coup, un peu pus qu'd'habitude sans doute ; ça d'vait s'passer comme ça , va. C'était écrit, quouai ! J’ai pas eu l’temps d’vouair venir le coup que j’chus parti. J’ai cru qu’les boches i m’canardaient. D’un seul coup, ça a pétaradé dans ma tête et pis , pus rin.
- Bin tu sais, moi non pus, j’ai rin compris. Comme tu dis, une pich'té de trop, faut craire J’ai eu l’temps d’y r’penser dedpuis, tu penses pendant tout c'temps qu'i m'ont enfermé. J’me suis r’trouvé entre quat’ murs sans savoir pour qui ni comment. Et pis, t’étais pus là et pis on m’a dit qu’j’étais un vieux fou. C’qui ça m’a rongé les sangs aussi c’était d’penser que personne s’occuperait de panser les lapins.
- Je’sais ! J’étais pus là mais j’savais c’que tu pensais. Les lapins, i z’ont quervé. Mais t’en fais pas, ici, on en mange tant qu’on en veut.
- C’est drôle, t’as pu ta bosse dans l’dos et pis moai, j’sens pu mon artite.
C’est comme qui dirait qu’on aurait rajeuni !
- ‘Core un coup ?
- Dame oui, j’veux bin ! J’chais pus de quoi qu’on causait quand tout d’un coup comme un coup d’tonnerre, tu t’es affalé sur la table.
- On causait d’la Régine.
- Ah bin celle-là ! T'en pinçait, hein? C’est vrai qu’elle avait l’genou bin rond. Trop rond même ! qu’estce qu’è v’nait toujours t’atigocher en s’couant ses lolos. J’voyais ben qu’è t’mettait la trique pis qu’alle aurait bin voulu que tu la suives dans son ménage. Tout ça, ça qu’y aurait fait du r’mous avec le patron. Et pis moai ! De quoi que j’dev’nais dans tout ça ? Depuis qu’i m’ont emmené, j’ai pus eu d’nouvelles. Tu la r’voais pus, dis, Arsule ?
- Arsène, mon vieux, i faut te réveiller. Ouvre donc un peu les yeux et regarde en bas : tu la vois ta petite maison blanche, enfin , blanche, si on peut dire…Tu la vois pas ? Pas étonnant, depuis l’temps . Elle est toute couverte de ronces et de viorne et pis chez moi, c’est pareil, mais on s’en fout maint’nant.
- Ben où c’est-i qu’on est, l’Arsule ?
- Pour sûr, ni toi ni moi on est là-bas . Entre tes quat’ murs où qu’i t’ont mis, au lieu d’manger tu pleurais, tu pleurais, si bin qu’à la fin, t’en es mort. C’est comme ça qu’tu m’as r’trouvé. J’ché pas ben où on est mais l’important c’est qu’on se soyent retrouvé, non ? Et pis, on peut encore se faire des goulées. C’est bin ça l’essentiel, non ?
Allez ! à la bonne nôt’, Arsène !
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Jeune homme à la pipe - Michel Gobin
La crédence qui danse
Perché sur la crédence, une blague à tabac
Vide, mourait d’ennui près d’une pipe froide
Qui manquait de culot et se tenait fort roide.
Quoi ! N’y aurait-il donc, âme qui ne m’aimât ?Du haut de sa prestance un grand vase d’albâtre
Coiffé d’un lourd bonnet dans ses cendres piaffait.
Ah ! Je suis fatigué de voir tous ces benêts
Venir s’agenouiller comme des idolâtres !Foin de De Profondis ! Vous me voudriez mort !
Qu’on me donne un tison, je saurai vous surprendre
Et dans un souffle chaud , renaître de mes cendres.
Rangez vos goupillons calotins et consorts !Or la pipe aux aguets, entendant son voisin,
Se trémoussa d’envie augurant le délire
A faire un feu de joie à ces pince-sans-rire
Et desserrant la blague y versa le butinPuis sa gueule bourra méticuleusement.
On battit le briquet, on prit la mort aux dents
Pierrot prit la bouffée, l’urne, le vif ardent,
Il était une fois, la crédence qui danse.
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