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F.Aubry de Montdidier
Lumière tamisée
Les persiennes filtrent les lueurs du hameau
Et le soir tombe en grand silence,
Eparpille les rais fardés de blancs cristaux
Sur l'encre bleue des apparences.Une faible clarté emprisonne les fronts
Blafards de tendre somnolence
Qu'une ride contraint, sur les regards profonds
Voilés de sombre réticence.Hoffmann dans son fauteuil, le corps appesanti,
Songe, attiré par l'émergence
D'indicibles visions que la nuit engloutit
Eludant toute confidence.Tu baisses tes yeux, Helga, belle implorante
Guettant une infime présence,
Une main caressant ton épaule tremblante
Comme un aveu, une évidence.*
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Des rats scélérats
Sal’té d’choléra !
Des rats à vous dégoûter des égouts !
Et y’en a qui disent :
“ J’ai visité les égouts d'Paris, c’est fabuleux ! ”
On voit qu’ils n’ont jamais eu l’choléra !
Vous savez c’que c’est que des rats en colère, vous ?
Non, vous n’savez pas !
Sinon vous refuseriez de vous colleter
Le boulot d’égoutier.
Tiens ! Avenue de l’Opéra !
C’est là qu’ils se rassemblent tous les soirs.
Ils sont à tutu et à toi
Ils font des entrechats
Alors que les chats
Se tiennent pénard
Dans les gouttières de la rue Mouffetard
Ou bien vont s’les g’ler à Glacières.
Les rats, y’a ceux qui s’ planquent sous les grands hôtels
Chics de Georges Vé
Là où l'étron sent l’caviar.
Y’a ceux qui préfèrent Pigalle
Où qu’ça pisse pas sacerdotal
Ou bien celui du Parc rue lepic
Qu’est vacciné antirabique
C’est pas une vie, j’vous l’dis
De n’jamais voir les hirondelles
Rive droite, rive gauche pour moi,
C’est du même au pareil
C’est les égouts d’la Seine
C’est les entrailles du vieux Paname
C’est mes os qui se calaminent
Je suis un rat au Pont d’l’Alma
J’attends l’jour où on m’dira :
T’en as fini de fair’ le zouave
Te v’la rendu aux Invalides.*
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- F.Aubry de Montdidier
Au revoir
Cela sentait le départ.
Elle était apprêtée pour un mystérieux voyage
Endossant un tailleur prince de Galles si grand pour ses frêles épaules.
Dénudée de ses bijoux et de son parfum de rose anglaise,
Mais le doigt marqué du sceau de l'alliance éphémère,
On lui avait coupé les ongles.
Sur sa nuque rafraîchie, un foulard un peu fané noué comme un papillon mort
Enfin, ses souliers cirés du dimanche, délicatement noués.
Je ne l'avais jamais vue si calme, si reposée.
Ses lèvres exsangues semblaient fardées de blanc d'Espagne
Et ses paupières laiteuses ne frémissaient plus sous de vagues rêveries.
Elle était enfin prête, confortablement installée.
Hier encore, elle marmonnait, dodelinait :
- Où sont les musiciens?
- Ils t'attendent, Maman.
Mais je n'entendis jamais le concert des anges entonner l'au revoir.
C'est pourquoi, le matin, quand je me réveille, je dis encore
«Bonjour, Maman!»*
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Confutatis
Fontaines de sourdes douleurs
Abattent les silences
Ô terra hostia !
Le pain ne nourrit plus le corps
Ruisseaux de larmes psalmodient
Engendrent des furies
Ô terra lacrimosa !
L’agneau saigne de trop de bonté
Torrents de souvenirs impurs
Fracassent nos tabernacles
Ô terra infecunda !
Volent en éclats nos espérances
Cascades de rires enfantins
Egorgent les agneaux
Ô terra jubilita !
Le plus beau pays est toujours plus loin
Lac où reposent nos dolences
Fait taire les canons
Ô terra incarnada
Dona eis pacem
*
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- Le trèfle à quatre feuilles
Au plus près de l'herbe tendre,
Je tourne le dos au soleil.
Le trèfle azuré me sourit.
Sans me soucier du pince-oreille,
A quatre pattes, je musarde
Quatre pétales au teint exquis.
Mes mirettes en sauterelles
De ci, de là, font des embardes
En mauve et or sur mes prunelles
Et la rosée lèche mes doigts
Emmiellés de fleurs mignardes.
Lasse d’effeuiller les impairs,
Je me détends sur le lit vert
Sous l’œil de Phébus amusé
Par mon rêve au diable Vauvert.*
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Le temps des amandiers
C’était un autre printemps
Vous ne pouvez comprendre.
Les amandiers étaient en fleurs,
Pétales frémissants
Dans l’azur rayonnant,
Vous dire la couleur ?
Une rose des sables
Vous dire sa saveur ?
Goût de chair ineffable .C’était un autre printemps,
Vous ne pouvez entendre.
La campagne riait,
La musique de l’eau
En cascade tombait.
On ne la confondait pas
Avec le vent méchant sifflant
Au creux des meurtrières,
Au lourd crépitement
Des salves sur nos toits.C’était un autre printemps.
Si vous pouviez apprendre
La lumière jouant
Autour des amandiers
Et le vent caressant
Si l’on pouvait reprendre
Le cours des jours d’avant
Et secouer les cendres
Qui tuent les amandiersC’était un autre printemps.
Je voudrais vous surprendre
Une comptine aux lèvres
Que nos mères fredonnaient
Nous contant des histoires
Qui apaisaient les fièvres
Et comme un arrosoir
Faisaient couler des pétales
Blancs sur nos joues rosesC'était un autre printemps,
Je voudrais m'y suspendre
Au temps du temps d’avant
Quand nous avions le temps
De chanter des refrains
Pour endormir nos peurs.
Les amandiers étaient en fleurs
Les rêves, m’a-t-on dit,
Font souvent des merveilles.*
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