• Présage

     

    Présage

     

    Il me semble que la mer a tremblé
    Le phare n'éclaire plus les naufragés.
    Houle roule les appels de vies brèves
    Quand en paquets humides vocifèrent.
    J'entends des bruits qui grondent de la terre,
    Vaste radeau branlant qui s'époumone.

     

    Rentrons, ma mère, et faisons nos prières,
    Vite, fuyons les hideuses gorgones !
    Nous aurons de blanches couvertures
    Quand la nuit deviendra obscure
    Et nous nous serrerons, brûlant nos mains
    Au journal de demain.

     

     

    *

    Partager via Gmail Yahoo!

    4 commentaires
  • Ma licorne

     

    Ma licorne

     

    La maison regardait la croix du cimetière
    Pourtant, n’allez pas croire aux mornes horizons
    Si l’allée fleurissait de façon singulière
    Notre cour s’animait aux pas du percheron.

    Pourtant, n’allez pas croire aux mornes horizons ;
    Bien sûr le corbillard soufflait un air austère
    Mais la cour s’animait aux pas du percheron
    Piaffant près de la forge attendant qu’on le ferre.

    Bien sûr le corbillard soufflait un air austère
    Et je me balançais sur le cheval-d’arçon
    Piaffant près de la forge attendant qu’on le ferre.
    Hélas, vie et trépas vont à califourchon.

    Et je me balançais sur le cheval-d’arçon
    De Charybde en Scylla je perdais des œillères,
    Hélas vie et trépas vont à califourchon
    Je regardais ma cour, ma rente viagère.

    De Charybde en Scylla je perdais des œillères
    Mêlant corne bénie sur l’eau du goupillon
    Je regardais ma cour, ma rente viagère
    A l’abri des vertus de Maître Parangon.

    Mêlant corne bénie sur l’eau du goupillon,
    Ainsi dans ce hameau mes enfances passèrent.
    A l’abri des vertus de Maître Parangon
    La maison regardait la croix du cimetière.

     

     

    *

    Partager via Gmail Yahoo!

    4 commentaires
  • Mon bestiaireJoan Miro


    Mon bestiaire


    Pelotonnée sous l’édredon,
    Aspirant l’air froid, mon nez
    Frotte l'amidon de l'oreiller
    Echappé d’un drap suranné.


    Je flaire le matin frileux,
    L’odeur du papier peint humide
    Qui s'écartèle en lambeaux ;
    Tristes guirlandes qui se rident,
    Attrape-mouche dans le manteau
    Du mur qui creuse des cratères
    Où gîte mon vivant bestiaire :
    Museaux pointus, pattes velues,
    Langues fourchues, fronts encornés,
    Ailes fourbues ou becs crochus
    Que mes ongles ont déchirés
    Patiemment au long des années.

     

    Le lièvre nargue un éléphant
    Juché sur l’aile d’un héron
    Qui se moque de la cigogne
    Chassant les tiques de sa trogne ;
    Placide, la loutre se glisse
    Entre les jarrets du taureau
    Qui secoue sa queue frénétique
    Autour des naseaux du chameau
    Et ses barbillons se redressent
    Chatouillant le bec d’un rapace
    Dont les serres enserrent l’ânesse
    Faisant pathétiques grimaces.

     

    Sur l’arche chacun entend bien,
    A nul autre céder la place,
    Mais je régis cet univers ,
    Je suis la reine du palace :
    D’un coup d’ongle, adieu la vipère !
    J’entends des pas dans l’escalier ;
    Mes amis, je dois vous quitter :
    C’est l’heure où tous les écoliers
    En hâte doivent réviser
    Les tables les conjugaisons,
    Les fables et leurs divisions.

     

     

    *

    Partager via Gmail Yahoo!

    3 commentaires
  • pensées

     

    Pensées

     

    Un vulgaire caillou
    Venu je ne sais d'où
    -Mais pourquoi se gêner ?-
    Ecrase mes pensées

    Je les avais cachées
    Croyant les retrouver
    Sous la branche moussue
    D'un vieux chêne chenu

    Les voilà emmêlées
    Et j'en perds les pédales
    Voyant que mes pétales
    Alanguissent frippés

    J'étouffe sous la pierre
    Et mon âme meurtrie
    Au silice tranchant
    Laisse perler mes vers

    Par chance ces beautés
    Gisaient sur un terrier !
    Deux oreilles pointues
    Ont bousculé l'intrus

    Mon Dieu que de désordre !
    Mes corolles froissées
    Mes idées à détordre !
    Il faut tout repasser !

     

     

    *

    Partager via Gmail Yahoo!

    4 commentaires
  • De l'or dans mon jardin

    f.Aubry de Montdidier

     

    De l'or dans mon jardin


    Il pleut, il pleut de l'or dans mon jardin
    Ors jaunes, ors gris, ors pourpres s'amoncellent,
    Meurent sur les eaux calmes du bassin
    Ou bien dans les gouttières qui chancellent.
    Les allées prennent des airs de rupins
    Et la vigne rougit sur la margelle.

    Trésors craquants, à brassées je les mords,
    Barbouille ma figure et fais main-morte.
    Plus loin je cours et je roule sur l'or,
    Et vlan! Une bourrasque les emporte!
    Adieu billets doux, vide est mon amphore;
    Les pies jacassantes leur font escorte.

    Il pleut, il pleut des larmes dans la cour,
    Larmes d'argent, larmes blanches, dondaine
    Papiers de soie et duvet de velours
    Ballottent à tous vents qui les entraînent
    Mais à bien regarder leurs beaux atours
    Gouttes de sang perlent au bout des pennes

    Ils se sont tus les joyeux tourtereaux.
    Leur nid désert branle dans les branchages
    Et sur le sol, couchés sur les bardeaux
    Parlent d'amour en leur triste langage.
    Il pleut, il pleut de l'or dans le closeau,
    Il pleut, il pleut, larmes en marécages.

     

     

    *

    Partager via Gmail Yahoo!

    6 commentaires
  • Mes deux petites mères

    Mes deux petites mères, aujourd'hui, c'est votre fête.

    J'ai attendu que les averses en aient fini de cingler la terrasse et de creuser des rigoles devant le pas de la porte Oui, je prends mon temps. Et alors? Maman, la dernière fois que je suis allée te voir,ce ne fut pas une réussite, souviens-toi. J'avais fait un détour exprès pour te parler avant d'aller chez le notaire. Je t'avais bien recommandé de peser de toute ta volonté dans l'heure qui suivrait. A toi de jouer, je t'avais dit. Une heure, ce n'est pourtant pas long. Tu as trouvé le moyen d'avoir autre chose à faire car ce fut un fiasco Tes dernières volontés, c'était le moment de les lui souffler dans les bronches à ce prétentieux qui n'avait même pas lu le dossier truffé d'erreurs. Introuvable ton fameux testament !On avait bonne mine ! Il n'y en avait qu'un qui jubilait sur sa chaise en bêlant des «Maîaîître» et ce n'est pas celui que tu aurais aimé voir minauder. Celui-là il a pensé qu'il t'avait bien eue. Alors, soit tu t'en fous, soit tu ne peux plus rien faire. Bon, c'est fait, c'est emballé, n'en parlons plus. On n'en parle plus, ça veut pas dire que ce n'est pas resté en travers de la gorge car, n'empêche, à ce moment-là, j'ai vraiment douté de tes capacités à incurver le cours des choses. Je doute toujours, d'ailleurs. Quand je vais te parler pour te donner des nouvelles de la famille, j'ai l'impression de me donner en spectacle, d'autant que tu devrais savoir encore mieux que moi où elle en est la famille, mais enfin, au prétexte que tu saurais tout, je n'aurais donc plus rien à te dire ? C'est ridicule...

    Et nous voilà en novembre et sa fête des morts et ses averses et son vent glacial J'ai beau me dire que toi et ta mère, couchées dans le même caveau, vous n'êtes plus rien, j'ai beau me forcer à ne pas penser à vos chairs de ma chair, décomposées, et qu'il vaut mieux que vous ne voyiez pas ce que vos corps sont devenus, et qu'ainsi je penche pour la supposition que tout ce qui se passe ici-bas vous est devenu étranger, j'ai beau me dire tout ça, je vais opter pour la tradition, je vais aller , dès que l'averse aura enfin cessé, déposer deux bouquets de pensées qui, je l'espère, redonneront au printemps et puis, surtout, j'irai parce que dans le petit doute que vous existiez encore d'une manière que je ne saisis pas, je ferai comme vous quand vous montiez la butte avec, d'une main, votre petit râteau dans un seau et votre brassée de fleurs dans l'autre.

    Et voilà ! Vous avez gagné, mes petites mères ! Il a suffit que je parle de râteau et de pelle pour que je me fende la poire en vous imaginant gamines vêtues de petites culottes, accroupies, occupées à faire des châteaux de sable. Or donc, puisque c'est jour de fête, faisons la fête ! J'apporterai une bouteille de vieille prune en plus de mes tendres pensées, de mon râteau dans mon seau et je ratisserai le sable dessinant de jolies arabesques sur lesquelles se poseront de fins coquillages.

    Mes deux petites mères

     

     

    *

     

    Partager via Gmail Yahoo!

    3 commentaires
  •  

    Au clair de jour

     

    Au clair de jour


    Nuage a glissé sur la brume
    Son duvet était noir de pleurs
    Pierrot a craint qu'il n'eut un rhume
    Et qu'aux étoiles il ne fit peur.

    Tout doux ! Pourquoi tant de grisaille ?
    C'est l'heure où les terriens font trève.
    Ils n'ont que faire de mitraille
    Bien avant que l'aube se lève.

    Vois - la lune disait ainsi -
    Vois ces astres au firmament
    Ils aiment défier le vent
    Et se suspendre à l'infini.

    Quand, de la terre, les amoureux
    Ferment les yeux et font un vœu
    Ils leur envoient des étincelles
    Et font des nœuds dans leurs cheveux

    Mais si tu pleures ils ne pourront
    Cueillir au ciel tous les serments
    Peut-être même ils ne verront
    Que mauvais présage et tourment.

    Nuage ravala ses larmes
    Et du croissant s'est approché
    En implorant la blanche dame
    Que sur son toit vienne jucher

    Au clair de jour j'ai vu la lune ;
    Elle embrassait nuage blanc
    Toute la nuit lui fit hommage
    De sa douceur et de ses dunes.

     

     

    *

    Partager via Gmail Yahoo!

    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires