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Présage
Il me semble que la mer a tremblé
Le phare n'éclaire plus les naufragés.
Houle roule les appels de vies brèves
Quand en paquets humides vocifèrent.
J'entends des bruits qui grondent de la terre,
Vaste radeau branlant qui s'époumone.Rentrons, ma mère, et faisons nos prières,
Vite, fuyons les hideuses gorgones !
Nous aurons de blanches couvertures
Quand la nuit deviendra obscure
Et nous nous serrerons, brûlant nos mains
Au journal de demain.*
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Ma licorne
La maison regardait la croix du cimetière
Pourtant, n’allez pas croire aux mornes horizons
Si l’allée fleurissait de façon singulière
Notre cour s’animait aux pas du percheron.Pourtant, n’allez pas croire aux mornes horizons ;
Bien sûr le corbillard soufflait un air austère
Mais la cour s’animait aux pas du percheron
Piaffant près de la forge attendant qu’on le ferre.Bien sûr le corbillard soufflait un air austère
Et je me balançais sur le cheval-d’arçon
Piaffant près de la forge attendant qu’on le ferre.
Hélas, vie et trépas vont à califourchon.Et je me balançais sur le cheval-d’arçon
De Charybde en Scylla je perdais des œillères,
Hélas vie et trépas vont à califourchon
Je regardais ma cour, ma rente viagère.De Charybde en Scylla je perdais des œillères
Mêlant corne bénie sur l’eau du goupillon
Je regardais ma cour, ma rente viagère
A l’abri des vertus de Maître Parangon.Mêlant corne bénie sur l’eau du goupillon,
Ainsi dans ce hameau mes enfances passèrent.
A l’abri des vertus de Maître Parangon
La maison regardait la croix du cimetière.*
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Mon bestiaire
Pelotonnée sous l’édredon,
Aspirant l’air froid, mon nez
Frotte l'amidon de l'oreiller
Echappé d’un drap suranné.
Je flaire le matin frileux,
L’odeur du papier peint humide
Qui s'écartèle en lambeaux ;
Tristes guirlandes qui se rident,
Attrape-mouche dans le manteau
Du mur qui creuse des cratères
Où gîte mon vivant bestiaire :
Museaux pointus, pattes velues,
Langues fourchues, fronts encornés,
Ailes fourbues ou becs crochus
Que mes ongles ont déchirés
Patiemment au long des années.Le lièvre nargue un éléphant
Juché sur l’aile d’un héron
Qui se moque de la cigogne
Chassant les tiques de sa trogne ;
Placide, la loutre se glisse
Entre les jarrets du taureau
Qui secoue sa queue frénétique
Autour des naseaux du chameau
Et ses barbillons se redressent
Chatouillant le bec d’un rapace
Dont les serres enserrent l’ânesse
Faisant pathétiques grimaces.Sur l’arche chacun entend bien,
A nul autre céder la place,
Mais je régis cet univers ,
Je suis la reine du palace :
D’un coup d’ongle, adieu la vipère !
J’entends des pas dans l’escalier ;
Mes amis, je dois vous quitter :
C’est l’heure où tous les écoliers
En hâte doivent réviser
Les tables les conjugaisons,
Les fables et leurs divisions.*
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Pensées
Un vulgaire caillou
Venu je ne sais d'où
-Mais pourquoi se gêner ?-
Ecrase mes penséesJe les avais cachées
Croyant les retrouver
Sous la branche moussue
D'un vieux chêne chenuLes voilà emmêlées
Et j'en perds les pédales
Voyant que mes pétales
Alanguissent frippésJ'étouffe sous la pierre
Et mon âme meurtrie
Au silice tranchant
Laisse perler mes versPar chance ces beautés
Gisaient sur un terrier !
Deux oreilles pointues
Ont bousculé l'intrusMon Dieu que de désordre !
Mes corolles froissées
Mes idées à détordre !
Il faut tout repasser !*
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f.Aubry de Montdidier
De l'or dans mon jardin
Il pleut, il pleut de l'or dans mon jardin
Ors jaunes, ors gris, ors pourpres s'amoncellent,
Meurent sur les eaux calmes du bassin
Ou bien dans les gouttières qui chancellent.
Les allées prennent des airs de rupins
Et la vigne rougit sur la margelle.Trésors craquants, à brassées je les mords,
Barbouille ma figure et fais main-morte.
Plus loin je cours et je roule sur l'or,
Et vlan! Une bourrasque les emporte!
Adieu billets doux, vide est mon amphore;
Les pies jacassantes leur font escorte.Il pleut, il pleut des larmes dans la cour,
Larmes d'argent, larmes blanches, dondaine
Papiers de soie et duvet de velours
Ballottent à tous vents qui les entraînent
Mais à bien regarder leurs beaux atours
Gouttes de sang perlent au bout des pennesIls se sont tus les joyeux tourtereaux.
Leur nid désert branle dans les branchages
Et sur le sol, couchés sur les bardeaux
Parlent d'amour en leur triste langage.
Il pleut, il pleut de l'or dans le closeau,
Il pleut, il pleut, larmes en marécages.*
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Mes deux petites mères, aujourd'hui, c'est votre fête.
J'ai attendu que les averses en aient fini de cingler la terrasse et de creuser des rigoles devant le pas de la porte Oui, je prends mon temps. Et alors? Maman, la dernière fois que je suis allée te voir,ce ne fut pas une réussite, souviens-toi. J'avais fait un détour exprès pour te parler avant d'aller chez le notaire. Je t'avais bien recommandé de peser de toute ta volonté dans l'heure qui suivrait. A toi de jouer, je t'avais dit. Une heure, ce n'est pourtant pas long. Tu as trouvé le moyen d'avoir autre chose à faire car ce fut un fiasco Tes dernières volontés, c'était le moment de les lui souffler dans les bronches à ce prétentieux qui n'avait même pas lu le dossier truffé d'erreurs. Introuvable ton fameux testament !On avait bonne mine ! Il n'y en avait qu'un qui jubilait sur sa chaise en bêlant des «Maîaîître» et ce n'est pas celui que tu aurais aimé voir minauder. Celui-là il a pensé qu'il t'avait bien eue. Alors, soit tu t'en fous, soit tu ne peux plus rien faire. Bon, c'est fait, c'est emballé, n'en parlons plus. On n'en parle plus, ça veut pas dire que ce n'est pas resté en travers de la gorge car, n'empêche, à ce moment-là, j'ai vraiment douté de tes capacités à incurver le cours des choses. Je doute toujours, d'ailleurs. Quand je vais te parler pour te donner des nouvelles de la famille, j'ai l'impression de me donner en spectacle, d'autant que tu devrais savoir encore mieux que moi où elle en est la famille, mais enfin, au prétexte que tu saurais tout, je n'aurais donc plus rien à te dire ? C'est ridicule...
Et nous voilà en novembre et sa fête des morts et ses averses et son vent glacial J'ai beau me dire que toi et ta mère, couchées dans le même caveau, vous n'êtes plus rien, j'ai beau me forcer à ne pas penser à vos chairs de ma chair, décomposées, et qu'il vaut mieux que vous ne voyiez pas ce que vos corps sont devenus, et qu'ainsi je penche pour la supposition que tout ce qui se passe ici-bas vous est devenu étranger, j'ai beau me dire tout ça, je vais opter pour la tradition, je vais aller , dès que l'averse aura enfin cessé, déposer deux bouquets de pensées qui, je l'espère, redonneront au printemps et puis, surtout, j'irai parce que dans le petit doute que vous existiez encore d'une manière que je ne saisis pas, je ferai comme vous quand vous montiez la butte avec, d'une main, votre petit râteau dans un seau et votre brassée de fleurs dans l'autre.
Et voilà ! Vous avez gagné, mes petites mères ! Il a suffit que je parle de râteau et de pelle pour que je me fende la poire en vous imaginant gamines vêtues de petites culottes, accroupies, occupées à faire des châteaux de sable. Or donc, puisque c'est jour de fête, faisons la fête ! J'apporterai une bouteille de vieille prune en plus de mes tendres pensées, de mon râteau dans mon seau et je ratisserai le sable dessinant de jolies arabesques sur lesquelles se poseront de fins coquillages.
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Au clair de jour
Nuage a glissé sur la brume
Son duvet était noir de pleurs
Pierrot a craint qu'il n'eut un rhume
Et qu'aux étoiles il ne fit peur.Tout doux ! Pourquoi tant de grisaille ?
C'est l'heure où les terriens font trève.
Ils n'ont que faire de mitraille
Bien avant que l'aube se lève.Vois - la lune disait ainsi -
Vois ces astres au firmament
Ils aiment défier le vent
Et se suspendre à l'infini.Quand, de la terre, les amoureux
Ferment les yeux et font un vœu
Ils leur envoient des étincelles
Et font des nœuds dans leurs cheveuxMais si tu pleures ils ne pourront
Cueillir au ciel tous les serments
Peut-être même ils ne verront
Que mauvais présage et tourment.Nuage ravala ses larmes
Et du croissant s'est approché
En implorant la blanche dame
Que sur son toit vienne jucherAu clair de jour j'ai vu la lune ;
Elle embrassait nuage blanc
Toute la nuit lui fit hommage
De sa douceur et de ses dunes.*
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