• A ta santé !

    A ta santé !

    - J’sus tant bin content, Arsule, de t’revouair ! J’ai bin cru qu’c’était fini nous deux. J’en avais l'foie tout berdancé.
    - Moi, c’est pareil, Arsène, Vingts dieux ça m’manquait nos pichetées d’vin !
    -On est toujours comme deux frères, pas vrai ? C’est qu’jen quervais de n’pu te r’vouair !
    - Si on trinquait comme au bon vieux temps ?
    - Ah ! Bin ça, c’est pas d’refus ! Voilà que j’me sens bin à c’t’heure.
    A ta santé, l’ Arsène !
    - Me parle pus d’santé, tu veux. Elle est ben mal nommée. C’est qu’elle m’a bouffé l’cœur et l’corps.
    - C’est façon d’causer, tu sais bin.
    - Dis, Arsule, tu m’en veux pus ?
    - Bin non, tu vois bin, pisque j'chu là. On avait bu un coup, un peu pus qu'd'habitude sans doute ; ça d'vait s'passer comme ça , va. C'était écrit, quouai ! J’ai pas eu l’temps d’vouair venir le coup que j’chus parti. J’ai cru qu’les boches i m’canardaient. D’un seul coup, ça a pétaradé dans ma tête et pis , pus rin.
    - Bin tu sais, moi non pus, j’ai rin compris. Comme tu dis, une pich'té de trop, faut craire J’ai eu l’temps d’y r’penser dedpuis, tu penses pendant tout c'temps qu'i m'ont enfermé. J’me suis r’trouvé entre quat’ murs sans savoir pour qui ni comment. Et pis, t’étais pus là et pis on m’a dit qu’j’étais un vieux fou. C’qui ça m’a rongé les sangs aussi c’était d’penser que personne s’occuperait de panser les lapins.
    - Je’sais ! J’étais pus là mais j’savais c’que tu pensais. Les lapins, i z’ont quervé. Mais t’en fais pas, ici, on en mange tant qu’on en veut.
    - C’est drôle, t’as pu ta bosse dans l’dos et pis moai, j’sens pu mon artite.
    C’est comme qui dirait qu’on aurait rajeuni !
    - ‘Core un coup ?
    - Dame oui, j’veux bin ! J’chais pus de quoi qu’on causait quand tout d’un coup comme un coup d’tonnerre, tu t’es affalé sur la table.
    - On causait d’la Régine.
    - Ah bin celle-là ! T'en pinçait, hein? C’est vrai qu’elle avait l’genou bin rond. Trop rond même ! qu’estce qu’è v’nait toujours t’atigocher en s’couant ses lolos. J’voyais ben qu’è t’mettait la trique pis qu’alle aurait bin voulu que tu la suives dans son ménage. Tout ça, ça qu’y aurait fait du r’mous avec le patron. Et pis moai ! De quoi que j’dev’nais dans tout ça ? Depuis qu’i m’ont emmené, j’ai pus eu d’nouvelles. Tu la r’voais pus, dis, Arsule ?
    - Arsène, mon vieux, i faut te réveiller. Ouvre donc un peu les yeux et regarde en bas : tu la vois ta petite maison blanche, enfin , blanche, si on peut dire…Tu la vois pas ? Pas étonnant, depuis l’temps . Elle est toute couverte de ronces et de viorne et pis chez moi, c’est pareil, mais on s’en fout maint’nant.
    - Ben où c’est-i qu’on est, l’Arsule ?
    - Pour sûr, ni toi ni moi on est là-bas . Entre tes quat’ murs où qu’i t’ont mis, au lieu d’manger tu pleurais, tu pleurais, si bin qu’à la fin, t’en es mort. C’est comme ça qu’tu m’as r’trouvé. J’ché pas ben où on est mais l’important c’est qu’on se soyent retrouvé, non ? Et pis, on peut encore se faire des goulées. C’est bin ça l’essentiel, non ?
    Allez ! à la bonne nôt’, Arsène !

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 17 Août 2014 à 11:26

    Bonjour Ardence,

    Ceci me fait penser au film les  "vieux de la vieille" !! Comme quoi la liberté même quand on vieux c'est ce qu'il y a de mieux et puis tant pis si "le papy" boit un peu trop...

    Merci Ardence j'ai passé un bon moment à  vous lire avec ce patois un peu berrichon ?

    Amicalement

    Pivoine

    2
    Dimanche 17 Août 2014 à 11:38

    Un vrai scénario de film en effet

    dominique

    3
    Lundi 18 Août 2014 à 07:16

    Tout est dit, magnifiques scènes d'antan,  très réalistes pour qui a vécu ce genre de choses   !

    Merci Ardence.

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