• Le noeud du tablier

     

     

    Le noeud du tablier

     

    L'avenir s'est enfui dans la maison chagrin,
    Le temps gelé s'abat sur le seuil calfeutré.
    La comtoise s'est tue, on a perdu la clé.
    Les volets clos, le jour, sont ouverts sur la nuit.
    Un faible lumignon guide les pas trottins
    De la chaise au réchaud puis de la table au lit.
    Les bibelots posés comme des paysages
    Eteints ont égaré les souvenirs embués.
    Un cadre penche au clou. La mère fait naufrage.
    La main ne saisit plus, ne sait que caresser
    Le noeud du tablier; aussi, ne peut mentir,
    Parfois dans son regard, l'esquisse d'un sourire,
    Le geste de la main jouant à la marelle
    Sans jamais, de la terre, en atteindre le ciel.
    Elle ne pleure plus; les misères ont tari,
    Rivières asséchées serpentant sur la peau
    Parcheminée de brun en étoiles ternies.
    Elle parle à son père, elle n'a plus d'enfants
    Et dans ses litanies, absents sont les berceaux.
    Le cordon s'est rompu; reste le temps, béant.

     

     

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    Campagne d'Egypte

     

     

    Campagne d'Egypte Campagne d'Egypte

     


    Comme un troupeau poussé de pâture en pâture
    Sans but et sans butin, de leurs haltes sans pain
    Ni vin mais sabreurs de lames de bédouins
    Les hommes gémissaient, pleuraient leur géniture .

    Oh ! L’exquise douleur des mirages poivrés
    Sur le bleu sec du ciel et du sol exorable !
    Ah ! Le soleil qui jaillit de la mer de sable !
    Boire la mort dans sa malsaine volupté.

    Bouillant dans des bottes de cuir, pieds torturés,
    Des corps sans importance, occis et oubliés,
    Touchaient enfin les bords d’oasis verdissantes.

    Ils reposaient légers à l’ombre d’un jasmin,
    Loin du vent rouge épais aux odeurs suffocantes,
    Où coule une ombre verte épanchant l’eau sans fin.

     

     

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  • Ne pars pas

    Afghanistan  photo prise par mon fils en mission

     

    Ne pars pas

    Ne pars pas mon fils !
    Rentre à la maison
    Je t'en supplie , ne pars pas !
    Là-bas, il y a des fous, sans foi ni loi.
    Songe à ta mère qui serait orpheline,
    Mon petit, mon tout-petit !
    Enlève cet uniforme grotesque
    Je t'assure, le costume te va beaucoup mieux.
    J'ai bien voulu panser tes écorchures aux genoux
    J'ai bien voulu badigeonner tes bosses et rafraîchir tes bleus,
    Mais maintenant, tu es trop grand pour jouer à la guerre.


    C'est moi qui te le dis, laisse ces sales joujoux
    Je me fous des médailles, je me fous des discours
    Si jamais tu reviens, le béret en berne
    Tu t'en foutras aussi de la sonnerie aux morts
    Ne pars pas mon petit
    Je ne t'ai pas tout dit
    Je ne me rends jamais au monument aux morts

     

     

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  • Arrêts sur images

     

    Arrêts sur images

     

    Pensées fugitives zébrant le fil de l'air
    Qu'en vain la main voudrait s'en saisir.
    A peine entrevues, elles s'enfuient déjà

    Ephémères instants
    Dans l'épaisseur du temps
    Nécessités dérisoires
    Ou rêves illusoires 

    Envol d'une escouade de vanneaux
    Epi courbant sous le fléau
    Ondes insaisissables
    Des souvenirs impalpables
    Neiges fondantes sous le geyser sulfureux
    Des songes-creux

    Quelques notes traversières
    Humides sous les paupières
    Un parfum volatil
    Qui fuse et se faufile
    Une larme fugace
    Qui roule dans l'impasse
    Clameurs qui s'évanouissent
    A l'ombre des prémices

    Mais, Ô tendre merveille
    Ö nature enchantée
    La fleur rit au soleil
    Sous les doigts dégantés

     

     

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    Pourtant, il fait beau

     

     

    Pourtant, il fait beau

    Sur l’asphalte s’envolent
    Un livre de poèmes
    Des clichés d’amoureux

    Sur l’asphalte s’étiolent
    Les rires d’un été
    Les rêves de mariée

    Sur l’asphalte s’endorment
    Les yeux couleur du ciel
    Et les mains sur le cœur

    Sur l’asphalte se collent
    Une liqueur vermeille
    Quelques mèches bouclées

    Sur l’asphalte convolent
    Des véhicules rouges
    Et des hommes en blanc

    Sur l’asphalte…Une auréole

     

     

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    Soir d'été

    Pissarro. Soleil couchant

     

    Soir d'été


    Vient le soir odorant. Assis sous le tilleul
    Aux grappes si blondes lourdement parfumées,
    Il aime à contempler, sur la plaine, les meules
    Et l’astre rougissant les têtes d’or des blés.

    La brume de l’été, lentement s’alanguit,
    Laitance d’argent sous la brise légère.
    Les troupeaux fatigués se font une litière
    Et l’âne, au pré, s’endort. La terre s’engourdit.

    A peine si le vent fait frissonner les bois.
    L’écho qui lui parvient des nocturnes rainettes
    Attise le sommeil et son âme chatoie
    Sur les simples accords d’une frivole ariette.

    Un rossignol tardif s’appuie sur le tilleul,
    Voit le vieil homme assis qui, doucement, somnole,
    Gringotte de son mieux, chante une barcarolle,
    Déployant, pour sa nuit, le plus blanc des linceuls.

     

     

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  • Ombre

    Jacob Isaacks van Ruisdel ; peinture hollandaise. musée national de Tokyo

     

    Ombre

     

    Un arbre, à demi-mort, sous le lierre frissonne,
    Offre sa tête chauve et secoue ses bras nus
    Boit les derniers rayons qui ne nourrissent plus
    Ses veines tant trouées, son corps creux qui résonne
    Comme un tambour-chagrin quand les boeufs s'y encornent.
    Il écorce ses ans , craque sous l’ ouragan
    Les jeunes chênes-verts ne craignent pas la viorne,
    Etalent, insolents, leur bruissant habillage,
    Happent tout l'or du soir et rient jusqu'aux hameaux.

    Riez tant qu'il est temps, ne dure le ramage.
    Il faut vous étourdir avec les étourneaux.
    Quelques saisons encor pour plaire aux jouvenceaux
    Et votre ombre pliera sous la coupe du temps.
    Le tendre lit moussu sèchera sur vos pieds;
    Vos membres craqueront sous le mal lanscinant
    Et d'ombre n'aurez plus à offrir aux troupeaux
    Quand ils s'en vont, le soir, chercher les frais ruisseaux.
    Sur vos rameaux noircis se figera la buse,
    Sentinelle drapée de lumière diffuse.

     

     

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  • l

    Ma mère voulait pas être bonniche

    Toulouse -Lautrec : Le salon de la rue des Moulins

     

    • Ma mère voulait pas être bonniche

     

    J’invite mes chagrins à se donner la main
    A rechercher l’enfance en papier quadrillé.
    Allez ! Sonnez l’arrière-ban des misères d’antan !
    Même si l’on ne revit jamais rien et que l’on rafistole,
    La vie rentre d’abord par les odeurs.
    On a des parfums calés dans la mémoire,
    Ceux des œillets mirlitons de chez la Madame Rose
    Jusqu’à ceux des chrysanthèmes sur la tombe du p’tit frère
    L’odeur du grésil dans la niche du chien
    Et celle des médocs du papy résistant.

    J’invite mes chagrins à se donner la main.
    Même si j'étais le gosse qu'on n'attendait pas,
    Qu’on cachait dans la luzerne de la Creuse,
    J’avais pour mère une dame parfumée
    Qui m'envoyait des cartes postales de Paname
    Où un jour je la rejoindrai
    Elle me visitait après les Noëls dans la ferme
    Où je dormais avec d’autres mioches surnuméraires
    Dans des p’tits lits en fer.

    J'invite mes chagrins à se donner la main
    Quand la blanche torpédo longe le clapier
    Faisant crisser les roues et meugler dans l'étable,
    Riri le parigot en trois pièces et manchettes
    Suçant son havane en comptant la recette
    Ma belle dame de mère chapeautée de bibis
    Et les jambes luisantes de bas nylon
    Laissait des traces de son parfum dans l’escalier
    Puis s’en allait poursuivant son chemin bordé d’hommes.

    J’invite mes chagrins à se donner la main.
    Un jour j’ai quitté ma dépouille d’enfant
    Pour devenir parisien chez les dames modistes
    Avec Loulou, Mimi, Cathou dans leur salon mignon
    Au fond d’une courette fleurie
    Où venaient des messieurs graves aux boutons en légions
    Qui faisaient dormir les bonniches dans des mansardes glacées
    Les rescapés de la Première aux érections fléchissantes.
    Et puis… Et puis… La Deuxième guerre est arrivée !
    Mais … Ne Parlons pas de ça, on ne peut pas passer sa vie
    A se mettre la rate au court-bouillon pour les malheurs du passé .

     


    (Hommage à Alphonse Boudard)

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  • l

    La voile blanche

    Tristan et Isolde, La mort des amants , peinture de Rogelio de Egusquizo

     

    La voile blanche


    Ah ! Que vienne l’aurore, s’éloigne le trépas !
    Je souffre Chère Femme et n’y survivrai pas,
    Si noire est cette plaie qui me mange le corps.
    Ne m’abandonne pas ! Aie pitié de mon sort,
    Iseult ! Viens sans tarder, sans toi ne puis périr !
    Viens me baiser la bouche avant que de mourir !

    Las, le vent s’est levé, la mer frappe sa voile.
    Sa nef cingle à grand peine aux voûtes sans étoiles.
    Mène-moi au rivage, exauce un dernier vœu
    Que je caresse encor l’or fin de ses cheveux.
    Dans les flots me noierai si je ne la vois pas
    Et de draps de velours le ciel nous couvrira.

    Pourquoi tant de fureur écume sur les flots ?
    Yseult, mon adorée, tiens bon sur le vaisseau !
    Est-ce toi que je vois au mât de voile blanche
    Qui tangue frêlement sur la mer qui déhanche ?
    Ah ! Je ne vois plus rien, aveuglé de douleurs,
    J’expire sur la grève… Mon amour, je me meurs…

    L’anneau de jaspe vert ainsi que mon épée,
    Je les veux dans ma tombe et toi à mon côté,
    Nos deux corps enlacés d’un brin de chèvrefeuille
    Et sur le coudrier chantera le bouvreuil,
    Les ronces jailliront autour de nos linceuls
    Et comme doigts scellés, jamais ne serons seuls.

     

    D’après la légende de Tristan et Iseult

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  • l

    La Madone

    peinture F.Aubry de Montdidier

     

     La Madone

     

    Peut-être la surprendrez-vous

    Cachée sous une dune blonde

     Portant un enfant à son cou ?

     Vous penserez qu’elle est féconde

     Drapée dans sa robe safran

     Aux pans légers s’ébouriffant.

     Elle enfle au vent chaud du désert

     Ses flancs arrondis de promesse.

     Vous la verrez, la femme fière,

     Prendre à l’argile sa noblesse.

     Peut-être la surprendrez-vous,

     La Madone, debout.

     

     Là-bas, dans les palétuviers

     Des feux de roquettes déchirent

     Le bleu du ciel noir de mortier.

     Ses frères, son père, s’en vont rougir

     Les eaux du fleuve dont la reine

     Plus ne veille sur ses enfants.

     Comme l’ébène qu’on enchaîne

     Vont s’engloutir les talismans

     Et les flamants en désarroi

     Fuient la Mangrove qui les cloue.

     Au loin, vous la verrez parfois,

     La Madone, à genoux.

     

     Son ventre crie la délivrance.

     Ô sombres yeux dont la détresse

     Aura raison de sa vaillance.

     La vie, la mort, tous deux oppressent.

     Dans cet enfer, un sang nouveau

     Perdrait trop tôt son innocence,

     Rejoindrait vite le tombeau.

     Elle s’étend. Sans résistance,

     Au soleil offre ses entrailles

     Tandis que gronde la mitraille.

     Vous l’entendrez, agonisante,

     La Madone : elle enfante.

     

     

     

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