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    Le rouge-gorge

    F.Aubry de Montdidier

     

    Le rouge-gorge

     

    Sais-tu que l'impertinence se paye parfois de menus sequins,
    Que ta rieuse imprudence exaspère l'insecte qui folâtre?
    Ta gorge flamboyante, effrontément, dénude le soleil pâlissant
    Et tes pupilles valseuses aveuglent le merlot.
    Ondule, va! Fais le coquet! Ramage vers les cimes où ta belle s'éreinte!
    Sautille, quadrille autour de la bruyère qui rosit!
    Les frimas ne tarderont. Les vents coulis se lèveront.
    Dans l'ivresse hivernale et le silence duveteux,
    Mille étincelles neigeuses s'abattront sur la mousse.
    Telle une fleur orangée, tu jailliras du houx scintillant
    Et ton chant bercera mon imprécise mélancolie.

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    Le retour du Frisé

    Chacun et sa chacune attrape leur bonheur

    Elle a mis l'oreiller sentant le foin coupé
    Et la douce verveine. Un drap, chaud de soleil,
    Illumine la chambre au crucifix vermeil.
    La violette embaume un habit démodé.

    Sa tête virevolte et bruisse une chanson
    Sur laquelle ils tournaient le dimanche aux guinguettes.
    Sur un air de Damia, lui, lançait ses risettes
    Et ses doigts sur sa peau suivaient l'accordéon.

    On lui a dit, « ce soir, après le dernier train »
    Quand il fait chèvre ou loup, un bouquet à la main.
    Tant d'yeux à se chercher , tant de gorges serrées,

    Depuis longtemps son cœur s'endort sous l'étouffoir
    Où est le grand frisé ? Quoi ? Ces lèvres coupées ?...
    Ce soir le crucifix descendra du perchoir.

    Et pleurent de leurs voix tous les sons du malheur

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    La dame à la licorne

    Immobile est le lac où nul cygne ne glisse.
    Pas même le héron sombre ne fait le guet.
    Sur la souche à l'à-pic d'un ru qu'on passe à gué,
    Impassible est le geai quand le rocher dévisse

    Et c'est un grondement que l'écho multiplie
    Dans la vallée profonde. Alors, des cris stridents
    De chamois et mouflons mêlant leurs hurlements
    Font trembler les grands pins épris de la furie.

    Bruants, ducs et milans tournoient déjà dans l'air
    En se réjouissant de dépecer la chair
    Or un étrange envol de bêtes encornées

    Fit plonger dans le lac, en gerbe éblouissante,
    Le troupeau... Depuis lors, à la lune dansante,
    La dame et sa licorne enchantent nos contrées .

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    J'écris

     Nicolas Lépicier,  élève de Chardin

     

    J’écris


    J’écris sur la rose passée
    Avant que l’empreinte s’efface,
    Candélabres fleurdélisés,
    Globes de verre qu’on enchâsse.

    J’écris dans des vases lactés
    Où ruisselle en coulis l’amande
    Amère des mots éreintés
    Tourbillonnant comme girande.

    J'écris derrière un paravent
    mes falbalas en mots jetés
    Aux pieds de l'homme caressant
    Où gisent quelques négligés

    J’écris sur la chair délicate
    En bleu veiné de rouge sang
    Par le tranchant du silicate

    Où cicatrise le trépan.

    J’écris sur la tourbe prospère
    Mes cris, mes râles à venir
    Et que le vent , comme poussière,
    Efface ainsi que mon soupir.

    J’écris sur l’arbre séculaire
    L’hébétude des mal-aimés
    La peur dans un ventre glaciaire
    Tout à l’entour des barbelés.

    J’écris sur la stèle trop blanche
    Des noms que j’avais oubliés;
    Je vous laisse votre revanche
    Vos amours moites amputés.

    J'écris sur l'envers de ma peau
    Le gai printemps qui s'amenuise
    Mes piaillements de moineau
    Et l'hiver qui, las, me courtise

     

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  • Irène Nemirovski

    Irène Nemirovski

    Point née vous n'étiez pour être poulinière
    Mon enfance avorta sitôt que l'accoucheur
    Du sein froid m'écarta. Bien vite ma maigreur,
    Pour vos taffetas, Mère, était une barrière.

    Votre giron bouffant usait de ventrière
    Et c'est assez souffrir l'éclat de vos froideurs
    Dans votre bouche amère empestant les aigreurs
    Car de ce cœur trop sec ne serait l'héritière.

    Est-ce -vous, dites-moi, comme ultime abandon,
    Sur l'autel de Vichy, signant la trahison
    Qui d'une main légère un soir me débaptise ?

    Vous voilà centenaire, adieu mère et femelle
    Les flammes d'Auschwitz sont puanteur exquise.
    Par votre indignité, je péris immortelle

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    Le petit doigt en l'air

     

     Au pays des bouffons des fêlés du cortex

     Accourez, plébéiens, c'est barbe à cul vénale

     De rognons, de rata, la gueuse vous régale

     En prime vous pourrez introduire l'index

     Dans le cul d'Amarante.

     

     Sur un air populaire, à vous le vrai bonheur

     Sur la valse à tant t'ans , de mousser du derrière.

     Quelque pet de travers au régal pituitaire

     Ne vous empêche pas de dresser le majeur

     Dans le cul d'Amarante.

     

    On ne fait fine bouche quand accourt la bergère

     L'un tâte le croupion, monte sur ses ergots

     L'autre boulotte l'herbe à faire des mégots.

     Du joint monte l'extase et vibre l'annulaire

     Dans le cul d'Amarante.

     

     Si l'on boit du picrate un petit doigt en l'air

     Sur l'air d'en avoir l'air en s'écrasant les fesses

     Et lippes boursouflant qu'on prendrait pour des vesces,

     C'est pour faire semblant de le mettre en travers

     Dans le cul d'Amarante.

     

     Dans cette basse cour on parle de derrière

     En pouffant dans ses doigts boudinés de sueur

     Et dans leurs yeux parfois frétille une lueur,

     L'extravagante idée de leur main tout entière

     Dans le cul d'Amarante.

     

     

     

     

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    Lampedusa

     

     Il est parti des Somalies comme Lili

     Le ventre rempli d'appétit

     aux relents de pili-pili.

     Il a pris le rafiot comme Lili, Mamadi

     Ses rêves estropiés dansaient sur les vagues.

     Surtout ne pas dormir a dit Lili

     Toujours vers l'horizon les yeux divaguent.

     

     Les enfants, couchés sur les femmes

     Ont vu soudain les grandes flammes

     Et leurs reflets sur l'eau

     Et des jets et des sauts et des cendres sur la peau

     et des matelas comme des petits bateaux,

     Mousses d'écume blanche dérivant

     Puis sombrant dans la nuit noire.

     Au loin les cormorans assemblés

     Lancaient des cris de guerre

     « Vous n'aurez pas la France et l'Angleterre ! »

     

     Sur le quai à ciel ouvert

     Mamadi n'a plus faim, Mamadi n'a plus soif,

     Mamadi ne sera pas ouvrier spécialisé dans le béton.

     Il n'a même pas eu le temps de voir que le sable est si blanc, si doux.

     

     

    Lili, si tu reviens à Lampedusa, tu verras que la mer est toujours verte.

     Les dépliants touristiques disent que c'est l'endroit idéal pour un voyage de noces

     

     

     

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    La passementière

     

     

     Les jours oscillent sous l’abat-jour.

     L’hiver s’épaissit. Sous la verrière

     S’assoupit Jeanne, passementière,

     Tissant des ombres dans le faux jour.

     

     Les larmes des amours saisonnières

     Ont chevillé son corps sans retour,

     Perlé des franges aux lavallières

     De son officier de Brandebourg.

     

     La trame d’une vie casanière

     Quand s’effiloche la jarretière

     Où flétrissent les pommes d’amour

     

    A foulé les grains de haute cour

     Et tassé la laine rudânière .

     Les nuits vacillent à contre-jour.

     

     

     

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    Intérieur de ferme

     

     La nuit s’engouffre dans le carré de l’âtre

     Et fait courber l’échine sur les tisons

     Qui lancent des reflets sur la main blanchâtre,

     Réchauffe les bonnets serrant les saisons.

     

     On se tasse à même les petites chaises

     Economisant jusqu’à la chaude haleine,

     Oubliant le jour et la terre mauvaise,

     Le grenier vide, les labeurs qui s’enchaînent.

     

     Est-ce ainsi que le Fils absent de la Croix

     Bénit les miséreux courbés comme esclaves,

     A bout de sommeil et mangeant à l’étroit

     Le quignon de pain dur et la soupe aux raves?

     

     Deux jeunes mariés, figés sous la cloche

     Et tant raidis sous le couvercle de suie

    Démontent la noce et le temps qui flânoche,

     Les épis mûris, le chat au fond du puits.

     

     Il fait froid. Dans l’opacité du foyer

     Eternuent ça et là quelques craquements

     Qui font battre les cils, encore esquisser

     Un si maigre sourire aux joues des vivants.

     

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    Fleur de lys

     

    Sur le fil un drap blanc louvoyait dans le vent,
    Mollement. Le ciel gris coiffait de convenance
    Les ardoises du toit en raison d’une instance :

    Dans le lointain le glas, inexorablement

     

    Soulevait dans nos cœurs, au rythme convulsif,
    Des tombeaux de chagrins, des lambeaux de colère.
    Une ombre insaisissable, assise sur la pierre,
    Semblait offrir un lys d’un geste suspensif.

     

    Les oiseaux se taisaient brisant la verticale
    D’une vie suspendue au parfum d’une fleur
    Dont l’ultime rosée laissa choir un pétale.

     

    Elle a longé le port pour suivre le passeur
    Emergeant de la rive aux orgues léthifères.
    Pour la première fois, je vis pleurer mon père.

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