• Ma licorne

     

    Ma licorne

     

    La maison regardait la croix du cimetière
    Pourtant, n’allez pas croire aux mornes horizons
    Si l’allée fleurissait de façon singulière
    Notre cour s’animait aux pas du percheron.

    Pourtant, n’allez pas croire aux mornes horizons ;
    Bien sûr le corbillard soufflait un air austère
    Mais la cour s’animait aux pas du percheron
    Piaffant près de la forge attendant qu’on le ferre.

    Bien sûr le corbillard soufflait un air austère
    Et je me balançais sur le cheval-d’arçon
    Piaffant près de la forge attendant qu’on le ferre.
    Hélas, vie et trépas vont à califourchon.

    Et je me balançais sur le cheval-d’arçon
    De Charybde en Scylla je perdais des œillères,
    Hélas vie et trépas vont à califourchon
    Je regardais ma cour, ma rente viagère.

    De Charybde en Scylla je perdais des œillères
    Mêlant corne bénie sur l’eau du goupillon
    Je regardais ma cour, ma rente viagère
    A l’abri des vertus de Maître Parangon.

    Mêlant corne bénie sur l’eau du goupillon,
    Ainsi dans ce hameau mes enfances passèrent.
    A l’abri des vertus de Maître Parangon
    La maison regardait la croix du cimetière.

     

     

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  • Mon bestiaireJoan Miro


    Mon bestiaire


    Pelotonnée sous l’édredon,
    Aspirant l’air froid, mon nez
    Frotte l'amidon de l'oreiller
    Echappé d’un drap suranné.


    Je flaire le matin frileux,
    L’odeur du papier peint humide
    Qui s'écartèle en lambeaux ;
    Tristes guirlandes qui se rident,
    Attrape-mouche dans le manteau
    Du mur qui creuse des cratères
    Où gîte mon vivant bestiaire :
    Museaux pointus, pattes velues,
    Langues fourchues, fronts encornés,
    Ailes fourbues ou becs crochus
    Que mes ongles ont déchirés
    Patiemment au long des années.

     

    Le lièvre nargue un éléphant
    Juché sur l’aile d’un héron
    Qui se moque de la cigogne
    Chassant les tiques de sa trogne ;
    Placide, la loutre se glisse
    Entre les jarrets du taureau
    Qui secoue sa queue frénétique
    Autour des naseaux du chameau
    Et ses barbillons se redressent
    Chatouillant le bec d’un rapace
    Dont les serres enserrent l’ânesse
    Faisant pathétiques grimaces.

     

    Sur l’arche chacun entend bien,
    A nul autre céder la place,
    Mais je régis cet univers ,
    Je suis la reine du palace :
    D’un coup d’ongle, adieu la vipère !
    J’entends des pas dans l’escalier ;
    Mes amis, je dois vous quitter :
    C’est l’heure où tous les écoliers
    En hâte doivent réviser
    Les tables les conjugaisons,
    Les fables et leurs divisions.

     

     

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  • pensées

     

    Pensées

     

    Un vulgaire caillou
    Venu je ne sais d'où
    -Mais pourquoi se gêner ?-
    Ecrase mes pensées

    Je les avais cachées
    Croyant les retrouver
    Sous la branche moussue
    D'un vieux chêne chenu

    Les voilà emmêlées
    Et j'en perds les pédales
    Voyant que mes pétales
    Alanguissent frippés

    J'étouffe sous la pierre
    Et mon âme meurtrie
    Au silice tranchant
    Laisse perler mes vers

    Par chance ces beautés
    Gisaient sur un terrier !
    Deux oreilles pointues
    Ont bousculé l'intrus

    Mon Dieu que de désordre !
    Mes corolles froissées
    Mes idées à détordre !
    Il faut tout repasser !

     

     

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  • De l'or dans mon jardin

    f.Aubry de Montdidier

     

    De l'or dans mon jardin


    Il pleut, il pleut de l'or dans mon jardin
    Ors jaunes, ors gris, ors pourpres s'amoncellent,
    Meurent sur les eaux calmes du bassin
    Ou bien dans les gouttières qui chancellent.
    Les allées prennent des airs de rupins
    Et la vigne rougit sur la margelle.

    Trésors craquants, à brassées je les mords,
    Barbouille ma figure et fais main-morte.
    Plus loin je cours et je roule sur l'or,
    Et vlan! Une bourrasque les emporte!
    Adieu billets doux, vide est mon amphore;
    Les pies jacassantes leur font escorte.

    Il pleut, il pleut des larmes dans la cour,
    Larmes d'argent, larmes blanches, dondaine
    Papiers de soie et duvet de velours
    Ballottent à tous vents qui les entraînent
    Mais à bien regarder leurs beaux atours
    Gouttes de sang perlent au bout des pennes

    Ils se sont tus les joyeux tourtereaux.
    Leur nid désert branle dans les branchages
    Et sur le sol, couchés sur les bardeaux
    Parlent d'amour en leur triste langage.
    Il pleut, il pleut de l'or dans le closeau,
    Il pleut, il pleut, larmes en marécages.

     

     

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  • Mes deux petites mères

    Mes deux petites mères, aujourd'hui, c'est votre fête.

    J'ai attendu que les averses en aient fini de cingler la terrasse et de creuser des rigoles devant le pas de la porte Oui, je prends mon temps. Et alors? Maman, la dernière fois que je suis allée te voir,ce ne fut pas une réussite, souviens-toi. J'avais fait un détour exprès pour te parler avant d'aller chez le notaire. Je t'avais bien recommandé de peser de toute ta volonté dans l'heure qui suivrait. A toi de jouer, je t'avais dit. Une heure, ce n'est pourtant pas long. Tu as trouvé le moyen d'avoir autre chose à faire car ce fut un fiasco Tes dernières volontés, c'était le moment de les lui souffler dans les bronches à ce prétentieux qui n'avait même pas lu le dossier truffé d'erreurs. Introuvable ton fameux testament !On avait bonne mine ! Il n'y en avait qu'un qui jubilait sur sa chaise en bêlant des «Maîaîître» et ce n'est pas celui que tu aurais aimé voir minauder. Celui-là il a pensé qu'il t'avait bien eue. Alors, soit tu t'en fous, soit tu ne peux plus rien faire. Bon, c'est fait, c'est emballé, n'en parlons plus. On n'en parle plus, ça veut pas dire que ce n'est pas resté en travers de la gorge car, n'empêche, à ce moment-là, j'ai vraiment douté de tes capacités à incurver le cours des choses. Je doute toujours, d'ailleurs. Quand je vais te parler pour te donner des nouvelles de la famille, j'ai l'impression de me donner en spectacle, d'autant que tu devrais savoir encore mieux que moi où elle en est la famille, mais enfin, au prétexte que tu saurais tout, je n'aurais donc plus rien à te dire ? C'est ridicule...

    Et nous voilà en novembre et sa fête des morts et ses averses et son vent glacial J'ai beau me dire que toi et ta mère, couchées dans le même caveau, vous n'êtes plus rien, j'ai beau me forcer à ne pas penser à vos chairs de ma chair, décomposées, et qu'il vaut mieux que vous ne voyiez pas ce que vos corps sont devenus, et qu'ainsi je penche pour la supposition que tout ce qui se passe ici-bas vous est devenu étranger, j'ai beau me dire tout ça, je vais opter pour la tradition, je vais aller , dès que l'averse aura enfin cessé, déposer deux bouquets de pensées qui, je l'espère, redonneront au printemps et puis, surtout, j'irai parce que dans le petit doute que vous existiez encore d'une manière que je ne saisis pas, je ferai comme vous quand vous montiez la butte avec, d'une main, votre petit râteau dans un seau et votre brassée de fleurs dans l'autre.

    Et voilà ! Vous avez gagné, mes petites mères ! Il a suffit que je parle de râteau et de pelle pour que je me fende la poire en vous imaginant gamines vêtues de petites culottes, accroupies, occupées à faire des châteaux de sable. Or donc, puisque c'est jour de fête, faisons la fête ! J'apporterai une bouteille de vieille prune en plus de mes tendres pensées, de mon râteau dans mon seau et je ratisserai le sable dessinant de jolies arabesques sur lesquelles se poseront de fins coquillages.

    Mes deux petites mères

     

     

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  • Lumière tamisée

    F.Aubry de Montdidier

    Lumière tamisée

    Les persiennes filtrent les lueurs du hameau
    Et le soir tombe en grand silence,
    Eparpille les rais fardés de blancs cristaux
    Sur l'encre bleue des apparences.

    Une faible clarté emprisonne les fronts
    Blafards de tendre somnolence
    Qu'une ride contraint, sur les regards profonds
    Voilés de sombre réticence.

    Hoffmann dans son fauteuil, le corps appesanti,
    Songe, attiré par l'émergence
    D'indicibles visions que la nuit engloutit
    Eludant toute confidence.

    Tu baisses tes yeux, Helga, belle implorante
    Guettant une infime présence,
    Une main caressant ton épaule tremblante
    Comme un aveu, une évidence.

     

     

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  • C'est les rats

    Des rats scélérats

     

    Sal’té d’choléra !
    Des rats à vous dégoûter des égouts !
    Et y’en a qui disent :
    “ J’ai visité les égouts d'Paris, c’est fabuleux ! ”
    On voit qu’ils n’ont jamais eu l’choléra !
    Vous savez c’que c’est que des rats en colère, vous ?
    Non, vous n’savez pas !
    Sinon vous refuseriez de vous colleter
    Le boulot d’égoutier.
    Tiens ! Avenue de l’Opéra !
    C’est là qu’ils se rassemblent tous les soirs.
    Ils sont à tutu et à toi
    Ils font des entrechats
    Alors que les chats
    Se tiennent pénard
    Dans les gouttières de la rue Mouffetard
    Ou bien vont s’les g’ler à Glacières.
    Les rats, y’a ceux qui s’ planquent sous les grands hôtels
    Chics de Georges Vé
    Là où l'étron sent l’caviar.
    Y’a ceux qui préfèrent Pigalle
    Où qu’ça pisse pas sacerdotal
    Ou bien celui du Parc rue lepic
    Qu’est vacciné antirabique
    C’est pas une vie, j’vous l’dis
    De n’jamais voir les hirondelles
    Rive droite, rive gauche pour moi,
    C’est du même au pareil
    C’est les égouts d’la Seine
    C’est les entrailles du vieux Paname
    C’est mes os qui se calaminent
    Je suis un rat au Pont d’l’Alma
    J’attends l’jour où on m’dira :
    T’en as fini de fair’ le zouave
    Te v’la rendu aux Invalides.

     

     

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    Au revoir

    • F.Aubry de Montdidier

     

    Au revoir

     

     Cela sentait le départ.
    Elle était apprêtée pour un mystérieux voyage
    Endossant un tailleur prince de Galles si grand pour ses frêles épaules.
    Dénudée de ses bijoux et de son parfum de rose anglaise,
    Mais le doigt marqué du sceau de l'alliance éphémère,
    On lui avait coupé les ongles.
    Sur sa nuque rafraîchie, un foulard un peu fané noué comme un papillon mort
    Enfin, ses souliers cirés du dimanche, délicatement noués.
    Je ne l'avais jamais vue si calme, si reposée.
    Ses lèvres exsangues semblaient fardées de blanc d'Espagne
    Et ses paupières laiteuses ne frémissaient plus sous de vagues rêveries.
    Elle était enfin prête, confortablement installée.

    Hier encore, elle marmonnait, dodelinait :
    - Où sont les musiciens?
    - Ils t'attendent, Maman.
    Mais je n'entendis jamais le concert des anges entonner l'au revoir.
    C'est pourquoi, le matin, quand je me réveille, je dis encore
    «Bonjour, Maman!»

     

     

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    Confutatis

    Confutatis

     

     Fontaines de sourdes douleurs

     Abattent les silences

     Ô terra hostia !

     Le pain ne nourrit plus le corps

     

     Ruisseaux de larmes psalmodient

     Engendrent des furies

     Ô terra lacrimosa !

     L’agneau saigne de trop de bonté

     

     Torrents de souvenirs impurs

     Fracassent nos tabernacles

     Ô terra infecunda !

     Volent en éclats nos espérances

     

     Cascades de rires enfantins

     Egorgent les agneaux

     Ô terra jubilita !

     Le plus beau pays est toujours plus loin

     

     Lac où reposent nos dolences

     Fait taire les canons

     Ô terra incarnada

     Dona eis pacem

     

     

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    Le trèfle à quatre feuilles

     

    • Le trèfle à quatre feuilles

     

    Au plus près de l'herbe tendre,
    Je tourne le dos au soleil.
    Le trèfle azuré me sourit.
    Sans me soucier du pince-oreille,
    A quatre pattes, je musarde
    Quatre pétales au teint exquis.
    Mes mirettes en sauterelles
    De ci, de là, font des embardes
    En mauve et or sur mes prunelles
    Et la rosée lèche mes doigts
    Emmiellés de fleurs mignardes.
    Lasse d’effeuiller les impairs,
    Je me détends sur le lit vert
    Sous l’œil de Phébus amusé
    Par mon rêve au diable Vauvert.

     

     

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