-
Intérieur de ferme
La nuit s’engouffre dans le carré de l’âtre
Et fait courber l’échine sur les tisons
Qui lancent des reflets sur la main blanchâtre,
Réchauffe les bonnets serrant les saisons.
On se tasse à même les petites chaises
Economisant jusqu’à la chaude haleine,
Oubliant le jour et la terre mauvaise,
Le grenier vide, les labeurs qui s’enchaînent.
Est-ce ainsi que le Fils absent de la Croix
Bénit les miséreux courbés comme esclaves,
A bout de sommeil et mangeant à l’étroit
Le quignon de pain dur et la soupe aux raves?
Deux jeunes mariés, figés sous la cloche
Et tant raidis sous le couvercle de suie
Démontent la noce et le temps qui flânoche,
Les épis mûris, le chat au fond du puits.
Il fait froid. Dans l’opacité du foyer
Eternuent ça et là quelques craquements
Qui font battre les cils, encore esquisser
Un si maigre sourire aux joues des vivants.
2 commentaires -
Fleur de lys
Sur le fil un drap blanc louvoyait dans le vent,
Mollement. Le ciel gris coiffait de convenance
Les ardoises du toit en raison d’une instance :
Dans le lointain le glas, inexorablement
Soulevait dans nos cœurs, au rythme convulsif,
Des tombeaux de chagrins, des lambeaux de colère.
Une ombre insaisissable, assise sur la pierre,
Semblait offrir un lys d’un geste suspensif.
Les oiseaux se taisaient brisant la verticale
D’une vie suspendue au parfum d’une fleur
Dont l’ultime rosée laissa choir un pétale.
Elle a longé le port pour suivre le passeur
Emergeant de la rive aux orgues léthifères.
Pour la première fois, je vis pleurer mon père.
votre commentaire -
Fiévreuse attente
Des heures durant à fureter le ciel.
Aura-t-il une ample trouée pour prendre un fier envol ?
Sera-t-il bleu lavande caressé par une douce brise ?
Assis à la fenêtre
Il évalue le vol des folles hirondelles.
Elles rasent la tonnelle où les roses ont défraîchi.
Demain ne sera pas le bon jour,
Je ne peux pas m'en aller demain
D'ailleurs, le cygne a rabattu son col.Et s'il pleut à la Saint Georges, ça coupe les cerises à la gorge
Qu'importe je n'irai pas jusqu'au temps des pendants d'oreilles...
Ainsi parlait mon père
Arc-bouté sur ses potions amères.
1 commentaire -
Carte postale de Patras
Quand les loups édentés traînent au bord des jetées
Leur teint crasseux noirci de rêves d’Eldorado
Tandis que les bateaux crachent des jets de fumées
Sous le ciel bleu brouillant leur regard indigo,
Leur teint crasseux noircis de rêves d’Eldorado,
La misère s’engouffre au fond des poches percées
Sous le ciel bleu brouillant leur regard indigo
Où les sternes balancent leurs gorges engraissées.
La misère s’engouffre au fond des poches percées
Arpentant la décharge en face des casinos
Où les sternes balancent leurs gorges engraissées
En chiant sur les poings levés des maigriots.
Arpentant la décharge en face des casinos,
Que ne sont-ils pareils bêlant leurs maux écorchés
En chiant sur les poings levés des maigriots,
Volatiles fuyards aux membres écartelés ?
Que ne sont-ils pareils bêlant leurs maux écorchés
Aux badauds apeurés filant droit vers les cargos,
Volatiles fuyards aux membres écartelés
Quand leurs cœurs ajourés nient les espoirs de lidos !
Aux badauds apeurés filant droit vers les cargos
Que la sirène étreint sur les ponts appareillés
Quand leurs cœurs ajourés nient les espoirs de lidos,
Les guanos guenillés chantent des songes mort-nés
Que la sirène étreint sur les ponts appareillés.
Ils pendent aux essieux, inconscients desperados
Les guanos guenillés chantent des songes mort-nés
De voyages brisant les arrêtés d’embargos.
Ils pendent aux essieux, inconscients desperados
Pour finir au fourgon des douanes tant redoutées
La peur se dissimule à l’entrée des paquebots
Quand les loups édentés traînent au bord des jetées
votre commentaire -
Elle est tant belle
La cascade sursaute en gerbes gémissantes
Pourléchant les parois luisant aux vents nordets.
Sur la robe les fleurs gisent éblouissantes,
Pétales boursouflés jusqu'aux lèvres cendrées.
Face à la nue madrée maculée de noirceur
Elle délie les fils rugueux de l'existence
Et ses flancs en cadence épousent la douleur,
Filet de vie tenace exultant la sentence
Vivre encore et encore oser l'aube faussaire
Jusqu'au milieu du jour puis forcer son déclin
Lentement s'amollir sous le flot lapidaire
Des larmes inondant l'amphore du vagin
Le ciel a revêtu son lourd manteau de pleurs
La robe ensanglantée comme fleur ondoyante
Proclame la laideur des amours crève-coeurs
De celle qu'on prétend la putain, la servante
votre commentaire -
Berceuse pour un marmot ensanglanté
Ils en auront bercé de fiévreuses chimères,
Scellés au même lit où s'enfonce les dards
Qui font tourner la tête et grouiller les cafards;
Ils en auront bâti de branlantes chaumières.
Et puis, comme la mousse enrobe à vif les plaies,
L'ardeur ayant cédé le champ sur le long cours
Leurs rêves, un à un, sont morts dans le faux-jour,
Tout comme des fruits blets, ont flétri sur des claies.
Le marmot ânonnant l'acte de contrition
Les coudes sur la tête en lieu de dévotion,
Un sourire qui saigne au bord du ceinturon
Sous les coups de l'ivresse et la main adipeuse,
Rase les murs du lit où gît la mère honteuse
De n'avoir pu aimer son petit oisillon
votre commentaire -
Le Père Lachaise
L
Ballade pour le père
le pas glaiseux, monter l'éreintante colline
Le nez dans le manteau.
Contre les uns, serrés, la douleur s'enracine
Autour du bois de son berceau.
Entend-il nos peurs ? L'élan qu'on retient devance
Un cœur jeté dans le tombeau .
A-t-il froid comme nous quand la pelle s'avance
A grand fracas sur le caveau ?
Quand le soleil couchant fait son chemin de croix,
Tourbillonne un moineau, hisse haut le pavois,
Et l'instant nous enchante,
Fait un trou dans la terre et un trou dans le ciel.
Nos larmes sans repos de l'amour paternel
Sont tristesse aveuglante
2 commentaires -
Aux aguets de l'hiver
Allons, que reste-t-il de la brume automnale ?
Les biches ont croupi au profond des ravins,
Cachent leur couvaison, tapies sous les douvains.
A nu, les troncs chenus sont une cathédrale
Aux vitraux enneigés et cierges lumineux.
Un prunellier se penche offrant ses derniers fruits,
La myrte et le sureau frayent parmi les buis.
Ô belles, taisez-vous, la mort hante ces lieux !
La neige, ce matin, a recouvert son pas
trompant la quiétude et signant le trépas.
De votre souffle chaud retenez vos alarmes !
Le vent de bise aigu s'engouffre sous le bois
Un setter à l'arrêt baisse son nez sournois
Et ce n'est que le froid qui fait briller ses larmes.
votre commentaire -
Télécharger « Complainte au bois d.odt »
Complainte au bois d’hiver
Ce n’est pas un écho
Le vent s’est assoupi
Une plainte un credo
Dans la nuit accomplie
La linotte au bocage
A ravalé ses trilles
Un avis de passage
Trouble sa séguedille
Même la rousserolle
Veuve depuis l’été
Dans l’ortie caracole
De son air hébété
La hulotte clignote
Frissonne du plumage
N’aime pas le présage
De l’intrus croque-note
Le hérisson se hâte
Pareil au tortillard
Il n’est pas acrobate
Se meut comme un vieillard
Qui trouble leur sommeil
En cette nuit d’hiver ?
Une étoile vermeille
Eclaire un coin de terre
Tapie dans la bruyère
Une biche a gémi
Son faon mort à demi
Ne passera l’hiver
Et tous les habitants
Ont mis leur habit noir
Tous entonnent un chant
Au lit du reposoir
Ce n’est pas un écho
Le vent s’est assoupi
Une plainte un credo
Dans la nuit accomplie
votre commentaire